Concevoir une politique agro-environnementale et climatique efficace dans le cadre de la Politique agricole commune de l’UE après 2020

Autor/innen

  • Uwe Latacz-Lohmann
  • Alfons Balmann
  • Regina Birner
  • Olaf Christen
  • Matthias Gauly
  • Regina Grajewski
  • Harald Grethe
  • José Martínez
  • Hiltrud Nieberg
  • Monika Pischetsrieder
  • Britta Renner
  • Norbert Röder
  • Julia Christiane Schmid
  • Achim Spiller
  • Friedhelm Taube
  • Lieske Voget-Kleschin
  • Peter Weingarten

DOI:

https://doi.org/10.12767/buel.v0i227.274

Abstract

Résumé
L’Union européenne est confrontée à des défis majeurs en matière d’environnement et de changement climatique. Les émissions de gaz à effet de serre, l’érosion de la biodiversité, les rejets d’ammoniac ainsi que la concentration excessive de nutriments dans les eaux naturelles exigent un meilleur ciblage et une cohérence accrue de la politique agro-environnementale et de la lutte contre le changement climatique. Les mesures agro-environnementales et climatiques prises jusqu’ici, y compris dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), n’ont pas permis de réduire suffisamment la pollution de l’environnement par l’agriculture.
Dans son projet de règlement de 2018, la Commission européenne propose un « nouveau modèle de mise en oeuvre » pour la PAC après 2020. Ce modèle confère aux États membres plus de compétence politique et vise une approche davantage axée sur les résultats, ce qui leur permet de se préoccuper davantage du bien commun lors de la mise en oeuvre de la PAC. Sur la base des propositions législatives, la Commission se contente à l’avenir de fixer les objectifs et les grands types d’interventions, laissant chaque État membre libre de quantifier ces objectifs et de définir concrètement les mesures à prendre. Pour ce faire, chaque État membre élabore un plan stratégique national pour l’ensemble de son territoire au sein duquel il programme les mesures arrêtées d’un commun accord au niveau de l’UE au titre des piliers 1 et 2 de la PAC. Ce plan stratégique est soumis pour approbation à la Commission de l’UE.
Trois instruments politiques sont prévus pour « verdir » l’architecture de la PAC : la « conditionnalité » des paiements directs, les nouveaux « éco-régimes » (eco-schemes) du pilier I et les engagements agro-environnementaux et climatiques du pilier II (EAC II). La combinaison de ces trois instruments politiques laisse aux États membres une marge de manoeuvre nettement supérieure par rapport à la période de programmation actuelle (2014-2020). Ceci signifie pour l’Allemagne davantage de concertation entre le gouvernement fédéral et les Länder.
En ce qui concerne les propositions législatives présentées par la Commission européenne, le Conseil consultatif est mitigé dans ses conclusions : d’un côté, la possibilité pour les États membres d’appliquer des mesures agro-environnementales et climatiques ciblées ; de l’autre, une marge de manoeuvre qui leur permet d’adopter une politique agro-environnementale et climatique moins ambitieuses et de continuer à privilégier l’aide au revenu. Le Conseil consultatif estime qu’il existe un risque de « nivellement par le bas » des ambitions politiques agro-environnementales et climatiques si la Commission européenne ne donne pas le ton et permet l’adoption de plans stratégiques nationaux sur la base d’objectifs budgétaires sans ambition et de critères élastiques. La mise en oeuvre d’une politique agro-environnementale et climatique ambitieuse, ciblée et efficace, à laquelle bon nombre d’agricultrices et d’agriculteurs se disent prêts à participer, ou le maintien du statu quo de l’aide agricole, dépendront donc avant tout de la volonté politique des États membres.
Dans le présent avis, le Conseil consultatif évalue les propositions législatives sur la base de leur potentiel à générer une politique agro-environnementale et climatique ciblée. Il formule des propositions pour élaborer sur le plan national un concept efficace de politique agro-environnementale et climatique qui suive le « nouveau modèle de mise en oeuvre » de la PAC. En ce qui concerne la protection agro-environnementale et climatique, il précise ainsi sa recommandation, formulée en avril 2018, sur la nouvelle orientation de la PAC après 2020 axée sur le bien public (WBAE 2018).
Afin de concevoir une politique agro-environnementale et climatique efficaces pour la PAC après 2020, le Conseil consultatif émet les recommandations suivantes, principalement à l’intention du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements des Länder :
I) Identifier clairement les problèmes en matière de politique agro-environnementale et climatique et définir des objectifs. (1) Prioriser les objectifs selon les problèmes identifiés. (2) Décrire comment la PAC devrait contribuer à la réalisation des plans nationaux de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique. (3) Encourager l’interprétation de l’objectif lié au revenu conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, autrement dit orienter la PAC dans le respect des fonctions sociétales de l’agriculture.
II) Déterminer les parts budgétaires minimales et les augmentations progressives attribuées à la protection agro-environnementale et climatique. Mise en oeuvre sur le plan national : (1) Consacrer dès le début de la période de programmation un minimum de 30 % de la somme des paiements directs et des fonds du FEADER aux objectifs agroenvironnementaux et climatiques. (2) Augmenter ce pourcentage sur une période de dix ans de sorte que 100 % des fonds du pilier I soient assignés à des éco-régimes ambitieux, aux EAC II, ou à des mesures pour le bien-être animal. (3) Informer très tôt de ce changement dans les financements. (4) En cas de sursouscription à ces éco-régimes, réduire la prime de base (« aide de base au revenu pour un développement durable »). (5) Dès 2020, transférer davantage de fonds du pilier I vers le pilier II. Par ailleurs, s’engager au niveau européen pour (6) une suppression complète sur dix ans de la prime de base. (7) Permettre un cofinancement national de la prime de base. (8) Répartir les fonds entre les États membres sur la base des enjeux et de la plus-value européenne. (9) Exiger que tous les États membres consacrent au moins 30 % de la somme des paiements directs et des fonds du FEADER aux objectifs agroenvironnementaux et climatiques.
III) Préserver la biodiversité et les marais pour tous les États membres en y allouant des parts budgétaires au niveau de l’UE. S’engager au sein de l’Union pour : (1) l’instauration de parts budgétaires affectées au réseau Natura 2000 ainsi qu’à la protection des marais (sous forme de projet pilote) et (2) à moyen terme, la constitution d’un minimum de surfaces d’exploitation extensive à définir au niveau régional sur l’ensemble du territoire de l’Union pour la protection des espèces et des biotopes.
IV) Remplacer la conditionnalité forfaitaire des paiements directs par une « conditionnalité spécifique ». (1) Dans le plan stratégique relevant de la PAC, réduire
au minimum les exigences en matière de conditionnalité par exploitation et prévoir à la place des éco-régimes ciblés, ambitieux et financièrement bien dotés, ainsi que des EAC II. (2) Ancrer dans la loi normative une sélection de normes réglementaires pour les aides pour la préservation des surfaces dans de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), et (3) à partir d’un certain montant de subventions, imposer aux bénéficiaires l’obligation de se faire conseiller ou bien d’effectuer une évaluation de l’impact de leur exploitation sur le développement durable.
V) Renforcer la conditionnalité liée au respect de l’État de droit et aux objectifs. Lors des négociations avec l’UE, s’engager pour la mise en place (1) d’un système échelonné de conditionnalité liée au respect de l’État de droit et (2) d’une conditionnalité liée aux objectifs sur l’ensemble du territoire de l’Union, dans le cadre des plans stratégiques relevant de la PAC.
VI) Revoir en profondeur le cadre de performance de la PAC. Lors des négociations au sein de l’UE, s’engager pour que (1) les indicateurs de référence soient en meilleure adéquation avec les objectifs et (2) que la procédure de reporting soit simplifiée.
VII) Définir clairement les exigences relatives à l’approbation des plans stratégiques relevant de la PAC et accroître ainsi le degré de transparence et de prévisibilité. Lors des négociations au niveau de l’UE, s’engager pour que (1) le niveau d’ambition des éco-régimes réponde à des exigences minimales, (2) les plans stratégiques des États membres soient mis à la disposition du public en temps utile, et (3) la concrétisation nécessaire se fasse dans la mesure du possible par le biais d’actes législatifs de base et non d’actes d’exécution ou d’actes délégués.
VIII) Concevoir des éco-régimes axés sur les objectifs et efficaces. (1) Au niveau du plan stratégique national, prévoir des mesures à vocation nationale avec des objectifs définis au préalable. (2) Développer et rétribuer les mesures en fonction de leurs conditions d’emplacement. (3) Délimiter efficacement les champs d’application respectifs des éco-régimes et des EAC II ; favoriser les synergies entre les deux afin d’atteindre les objectifs. (4) S’assurer que les paiements relatifs aux éco-régimes ne fassent pas l’objet de plafonnements et dégressions éventuels.
IX) Ouvrir les éco-régimes aux mesures en faveur du bien-être animal et promouvoir le bien-être animal. Au sein de l’UE, s’engager pour que (1) les États membres puissent, par le biais de subventions publiques versées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ou du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), compenser une partie des coûts occasionnés par ce relèvement des normes réglementaires en matière de bien-être animal bien supérieur à la moyenne de l’UE (2) les éco-régimes soient également ouverts aux mesures sans but d’investissement pour le bien-être animal, mesures qui soient davantage basées sur le nombre d’animaux que de surfaces admissibles. En ce qui concerne la mise en oeuvre à l’échelle nationale, (3) allouer considérablement plus de moyens au soutien du bien-être animal ; (4) lorsque le financement ne provient pas des éco-régimes, d’utiliser la possibilité d’affecter les fonds dans le cadre de la Mission commune pour l’amélioration des structures agricoles et de la protection du littoral.
X) Ajuster l’orientation des mesures agro-environnementales et climatiques du pilier II grâce à des mécanismes d’incitation innovants. (1) Expérimenter dans la pratique des mesures incitatives en vue d’une meilleure gestion des espaces concernés par les activités agro-environnementales et climatiques. (2) Poursuivre le développement de programmes de rétribution axée sur les résultats pour les performances en matière de protection de l’environnement et du climat. (3) Ne pas esquiver la transition vers une politique agro-environnementale et climatique plus ciblée en faisant valoir des frais administratifs plus élevés.
XI) Améliorer les conditions institutionnelles en vue d’une organisation collective de la protection agro-environnementale et climatique. (1) Vérifier dans quelle mesure les éléments du système néerlandais de contrat collectif pour la protection de la nature pourraient être également appliqués à l’Allemagne. (2) Améliorer les conditions institutionnelles visant à mettre en oeuvre des modèles collectifs de protection environnementale et climatique. (3) Dans le cadre de projets pilotes pour la période de programmation déjà en cours, encourager le regroupement d’acteurs locaux concernés au sein de « communautés de producteurs de biodiversité ».
XII) Revoir la définition des bénéficiaires d’aides et des surfaces éligibles. S’engager au sein de l’UE pour que (1) tous les gestionnaires de terres exerçant une activité agricole puissent bénéficier des aides du pilier I ; (2) la définition des « activités agricoles » inclue les paludicultures dans la proposition de règlement régissant l’aide aux plans stratégiques relevant de la PAC ; (3) la définition des « prairies permanentes » dans la proposition de règlement régissant l’aide aux plans stratégiques relevant de la PAC soit complétée pour que les États membres puissent fixer une date limite aux prairies permanentes. En ce qui concerne la mise en oeuvre à l’échelle nationale, (4) tirer parti au maximum du degré de liberté accordé pour permettre les aides, au titre du Pilier I, à l’exploitation et à l’entretien de zones non boisées de grande qualité en termes de protection de la nature.
En conclusion, le Conseil consultatif (WBAE) souligne que les propositions législatives faites par la Commission européenne en 2018 pour la PAC après 2020 accordent aux États membres une marge de manoeuvre nettement plus importante que ce n’est le cas actuellement pour mettre en oeuvre des politiques axées sur des objectifs bien précis. D’un côté, cela constitue une occasion d’élaborer une PAC ambitieuse, à la dotation financière généreuse, et axée sur l’intérêt général. De l’autre, certains États membres risquent d’exploiter ces libertés nouvelles pour continuer simplement à appliquer au secteur une politique de revenus plutôt que de privilégier les objectifs sociétaux primordiaux. Raison de plus pour que l’Allemagne s’engage afin que tous les États membres disposent d’une marge de manoeuvre limitée s’ils veulent mettre en oeuvre une politique agro-environnementale et climatique dénuée d’ambition. De son côté, l’Allemagne devrait tirer parti des nouvelles possibilités qui s’offrent à elle pour la mise en oeuvre au niveau national, afin d’affranchir progressivement la PAC de son orientation axée sur les revenus et de la rediriger fermement vers des objectifs basés sur l’intérêt général, notamment la protection de l’environnement
et du climat, ainsi que le bien-être animal. Dans le cas où la réorientation de la PAC, qui s’avère nécessaire, devait être reportée, les problèmes à régler gagneraient en urgence et les besoins d’adaptation des exploitations s’en trouveraient accrus, ce qui entraînerait des coûts d’adaptation supplémentaires. Une PAC tournée vers l’intérêt général aiderait l’agriculture à surmonter les défis auxquels elle se trouve confrontée ; elle garantirait sur le long terme son acceptation par la société, et créerait ainsi un cadre de politique agricole fiable pour les dix prochaines années à venir et celles qui suivront.

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2020-01-29

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